Interview ==> Rone (FR)
07/08/2013 djichtus interviews
Sous ses airs de premier de la classe se dévoile un personnage sans complexe et passionné par la musique. Cet exilé à Berlin depuis 2 ans prénommé Erwan Castex aka Rone vient de sortir son dernier album "Tohu Bohu" sur InFiné records et se livre en toute humilité à propos de ses derniers projets et collaborations pour la musique en général et le cinéma.
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Clubxtrem) Ton aventure sur disque a débuté en 2008 avec le maxi "Bora". Nous pourrions définir cette production de la manière suivante : de la House avec des rapprochements de sonorités Acid et soft Techno. Comment a débuté ton aventure avec InFiné ?
InFiné m'a repéré via Myspace et m'a proposé de sortir un premier disque, puis un 2ème, et tout s'est accéléré. J'ai fait un live puis un 2ème et je me suis retrouvé à faire que de la musique (rires).
Clubxtrem) A travers les ambiances Deep de certaines de tes pistes, nous ressentons des émotions qui peuvent nous ramener 20 ans plus tôt. Cela peut rappeler des productions du label F Communications. Ce label t'a-t-il influencé ?
Je me rappelle surtout d'un live de Laurent Garnier qui m'a vraiment marqué, je crois que c'était à l'Elysée Montmartre. De ce label, il y avait d'autres artistes comme The Youngsters ou Alex Kid. C'est une période qui m'a nourri musicalement car j'écoutais beaucoup ce qu'ils faisaient. Oui, cela m'a probablement influencé !
Clubxtrem) Peux-tu nous citer tes labels phares ?
Avant F Communications, il y avait Warp et Ninja tunes. Mais ce n'est pas avec ces 2 gros labels que j'ai découvert la musique électronique car ils proposaient un catalogue de titres assez vaste avec des morceaux très expérimentaux, parfois barrés (sic).
Clubxtrem) Et du coup, quels seraient tes trois disques de chevet ? Y compris hors musique électronique ?
C'est très dur ! Mais si je devais n'en garder que trois, spontanément, je dirais : Eric Satie "Gymnopédie, gnossienne", Miles Davis "Kind of blue" et probablement Aphex Twins "Ambient work vol. 2", car j'ai passé de longues phases à l'écouter où il n'y avait aucune rythmique, un gros disque d'ambient, c'est un chef d'oeuvre pour moi. Et c'est assez drôle car avec le recul, ce disque paraît simple à produire mais il reste très riche.
Clubxtrem) Ton dernier long format s'intitule "Tohu bohu", pourquoi ?
En fait dans mon studio à Berlin, c'est le Tohu Bohu : c'est le gros chaos de son qu'il faut que je maîtrise. Le matin quand j'arrive et que je branche les machines, que je suis à peine réveillé, j'ai l'impression de ne pas tout contrôler. Alors je laisse parler les machines, je tourne les boutons et il se passe des choses. Forcément, cela passe par des phases de gros bordel sonore ! Progressivement, c'est comme si j'étais un sculpteur de son car il faut arriver à travailler avec cette matière là pour arriver à un disque structuré et cohérent. C'est ce qui se passe dans le studio.
Clubxtrem) Comment as-tu abordé l'écriture de ce second album ? En quoi est-il différent du premier ?
En fait, il est très proche du premier dans le sens où il s'est réalisé très facilement, naturellement car je n'avais aucune pression (car il n'y avait pas de label à l'époque). Je faisais de la musique sans stratégie particulière. Quand InFiné m'a signé, j'ai dû m'adapter à mon nouveau statut "de faire des disques avec un label".
Je me suis mis la pression pendant quelques temps. Le plus gros du travail a été de retrouver l'état d'esprit dans lequel j'étais lors du premier album. C'est-à-dire retrouver le plaisir de faire la musique, m'enfermer dans le studio et me se laisser aller. Je pense que c'est la meilleure recette pour faire de la musique qui touche les gens. Plus on se sert contre soi-même, plus on a de chance de retrouver l'âme soeur ! Faire une musique sincère et authentique pour que les gens puisse se reconnaître dedans. Donc finalement c'est proche du premier album dans la construction.
Clubxtrem) Nous nous faisions une image de toi vis-a-vis de ta musique et le personnage correspond parfaitement : tu respires la joie de vivre et cela fait plaisir à voir !
Oui c'est cool, je suis toujours heureux lorsque je joue, les concerts sont des moments de fête, cela me rend heureux.
Clubxtrem) Tu partages avec Agoria une certaine approche de la mélodie. Il y a énormément de finesse et de classe. Tu as une manière de composer et de faire évoluer de façon épatante. Par exemple, pour le titre "So so so", sachant que vous avez des univers proches, est-ce qu'il te conseille par moment ?
Finalement pas tant que cela. Agoria, c'est plus un grand frère bienveillant. Il ne me donne pas de conseil sur la musique mais plus sur le business plan à adopter, c'est très précieux pour moi. Il respecte mon son en me donnant son avis mais pas plus. Mais par contre, tu parlais de "So so so" et sur ce morceau, j'étais bloqué. J'avais les idées de base, la gimmick qui me plaisait beaucoup mais je n'arrivais pas à le finir le morceau. Et Seb (Agoria) m'a appelé, encouragé et stimulé pour le terminer, comme un coach qui m'encourageait.
Clubxtrem) Dans cet album "Tohu bobu", nous nous sommes pris une claque avec "Let's go" en featuring High Priest (un rappeur d'Antipop Consortium). Il est rare que des artistes Electro arrivent à aller vers d'autres sphères musicales. Tu connais sans doute le morceau de I:Cube feat. RZA "Can you feel with that" ? Comment es-tu venu à travailler avec ce rappeur ?
Je ne connais pas le morceau de I:Cube mais je vais l'écouter. Ensuite, c'est via le label (en particulier grâce à Alex Cazac) qui connaissait mes envies et m'a proposé de faire un morceau avec lui. Bien que je n'y croyais pas vraiment, je lui ai envoyé la maquette (la version instrumentale). Puis, trois jours après, High Priest m'a retourné le morceau avec sa voix et cela collait parfaitement. C'était une superbe expérience et j'ai envie de continuer dans cette optique.
En fait, je ne souhaite pas m'enfermer dans un genre. Cela m'embêterait que les gens m'enferment dans la Techno. Si j'étais réalisateur de films, j'aurais envie de faire un western un jour, et un polar le lendemain. En bref, arriver à s'exprimer par plusieurs styles différents.
Clubxtrem) Gaspar Claus est intervenu sur ton album, comment en es-tu arrivé à travaillé avec lui ?
Alors Gaspar est un super pote, je ne me rappelle plus comment nous nous sommes rencontrés (par le biais d'amis). Très vite, nous nous sommes retrouvés sur scène à faire des boeufs sans se rendre compte de ce que nous faisons mais cela fonctionnait. Il s'agissait de concerts improvisés où nous prenions des plaisirs tout comme le public. C'est un punk, il est assez dingue, il tape sur son violoncelle et est ouvert à toute musique. Au final, nous avons terminé en studio où il a posé son instrumental sur le titre "Icare" et nous avons encore plein d'autres projets. C'est le début d'une longue histoire !
Clubxtrem) Tu es parisien exilé à Berlin. Pour nous Berlin nous évoque Trésor, Paul Kalkbrenner et International Deejay Gigolo. Comment est accueillie ta musique là-bas ?
En fait, cela commence tout juste. J'ai joué au Panorama Bar (le club mythique de Berlin) où ma musique a très bien été accueillie. Cela ne correspond pas tout à fait à la musique berlinoise même si c'est assez vaste. En fait, selon moi (les français) réduisent Berlin à une Techno très froide du Berghain (bien que cela soit le cas mais pas que). Il y a plein d'autres choses et on peut écouter de tout. Lors de mes premiers concerts, on m'avait mis en garde et conseillé de jouer à 130 BPM, qu'il fallait cogner mais en fait c'est bien plus naturel et simple donc cela se passe bien.
Clubxtrem) As-tu visité Berlin en Trabant ?
J'adorerais avoir une Trabant mais il faudrait d'abord que j'ai le permis (or ce n'est pas le cas). J'ai préféré faire mon circuit touristique à ma façon : Berghain, Tempelhof, Teufelsberg, Check-point Charlie... (rires).
Clubxtrem) Lorsque nous cherchons sur Beatport, ton nom est souvent associé à Lucy, qui est-ce ?
Nous avons fait de la musique pendant longtemps il y a 4 ans notamment sur ses premiers disques. Après, nous avons fait un ou deux disques ensemble et nous nous sommes perdus de vue. Et ce qui est drôle, c'est que nous nous sommes retrouvés à Berlin, il a son studio à deux pas du mien. Nous avons pris des chemins différents, je pense que nous ne faisons pas le même son mais nous respectons le travail de chacun. C'est un plaisir de visiter nos studios et de voir comment il évolue.
Clubxtrem) Et ton studio, est-ce du hardware, du software ? Une combinaison des 2 ?
Exactement, j'ai commencé en software avec rien, mon premier disque s'est fait avec un laptop. Le studio commence à être équipé en machine et puis c'est sans fin. C'est hyper excitant de développer un studio : je commence à peine à utiliser des instruments acoustiques, des percussions... donc je ne sais pas où je serais dans 10 ans et cela s'entendra sans doute dans les prochains disques.
Clubxtrem) Ton actualité c'est "Bye bye macadam" qui sort en maxi. Il est agrémenté de quelques remix. As-tu eu le choix des remixeurs ?
En général, c'est une concertation avec le label : c'est un moment que j'apprécie bien. Nous débattons sur les artistes, il faut déjà que les artistes acceptent et nous faisons en sorte de les convaincre ! Nous étions déjà tous d'accord sur la légende vivante Juan Atkins, Aquarian, ce n'était pas une idée de moi (je ne connaissais pas) on me l'a proposé et j'ai trouvé cela pas mal et Planke est un ami à moi.
Clubxtrem) Et quel effet ressent-on lorsque Juan Atkins retouche sa musique ? As-tu réussi à dormir une fois que le remix était validé ?
Errr... c'est complètement dingue, c'est assez fou et excitant, j'ai un peu de mal à décrire ce moment. C'est le genre de chose que j'ai encore du mal à réaliser comme lorsque tu joues devant plein de monde et que tu te crois encore dans un rêve ! Et oui, il y a des liens entre les petits frenchy et Détroit attention (rires).
Clubxtrem) Il ne nous reste plus qu'une minute : peux-tu nous donner une idée de tes prochains projets ?
Alors en vrac, il y aura un nouveau clip, une musique de film, un nouveau single, un album et une collaboration...
Clubxtrem) Encore merci pour ta bonne humeur, c'était un plaisir !
Nous remercions :
- Stéphane de radio Résonance, notre partenaire qui a conduit l'interview lors des Printemps de Bourges,
- InFiné Records de nous avoir accordé la diffusion de cette interview écrite.
- crédit photos : Timothy Saccenti.
A voir ici le 28 septembre, il y a des chances que je fasse le déplacement



