Interview ==> Fils Unique (FR)
20/03/2015 dj_sacha interviews
À chaque nouvelle production, Fils Unique redéfinit ses envies et les codes en place avec la plus grande sincérité. À l'image de sa génération, le jeune producteur ne connaît pas les barrières entre les genres.
Fasciné par les scènes parisiennes et londoniennes de House moderne et de Dance, par la Pop des 2000's, la Clash française, et surtout par une infime partie du Rap américain et du R'n'B ultra sexy, Fils Unique propose aujourd'hui une musique qui se danse en club ou qui s'écoute au calme, enveloppée dans son univers dreamy, spatial et très visuel.
Son premier album "building bridges" est disponible depuis peu dans les bacs virtuels : c'est un opus à son image, teint de sa personnalité et saupoudré de ses influences diverses.
Clubxtrem) Ton nom de scène sonne comme celui d'un rappeur plutôt que d'un musicien électro. Quelle est l'origine de "fils unique" ?
C'était la première fois que je faisais de la musique tout seul, je faisais mon truc dans mon coin, cela vient de là. Je voulais un truc intemporel, du coup j'ai choisi un nom ringard d'entrée ! Je ne sais pas si j'ai fait le bon choix, cela ne donne pas vraiment l'image que j'aimerais, mais j'espère que cela passera. Ta musique évolue, ton blase reste le même.
Clubxtrem) Quels ont été tes premiers liens avec les musiques électroniques ?
La Super Nintendo. Je l'ai eu assez tard mais j'y ai beaucoup joué, et pendant longtemps ! De ce fait, j'ai été bercé par la bande originale de Donkey Kong Country 1 et 2, de NBA Jam, d'Earthworm Jim 2, de F-Zero, de Joe & Mac Caveman Ninja...
Clubxtrem) Quelques blogs parlent d'influences 80's pour définir ta musique. Pour ma part, je ressens des clins d'oeil aux années 1990. Quels sont tes influences musicales et les sons qui ont bercé ton enfance ?
Pour les années 1990, on ne peut pas parler de clin d'oeil, je suis né en 1990, donc les années 1990, ce sont mes 10 premières années. Évidemment je ne suis pas sorti en club à 8 ans, mais j'ai été imprégné par l'esthétique de l'époque. Les synthés surtout.
Quand j'étais vraiment petit, j'avais une K7 bleue avec écrit un truc dessus, dans mon souvenir c'était de l'espagnol. Je me suis rendu compte il y a quelques années que c'était "It's a Rainy Day" de Ice MC. Je l'ai beaucoup écouté, je chantais en yaourt par dessus. C'est le pur hasard si ce truc est arrivé dans mes mains, et c'est à peu près le seul morceau Dance que j'avais étant petit. Pour moi c'était espagnol et c'était directement relié aux vacances.
Mes parents écoutaient des trucs qui me déplaisaient relativement. Je garde un souvenir tendre de leurs disques de Michel Berger et/ou France Gall en revanche.
Clubxtrem) Quel a été le déclic pour te lancer dans la production musicale ?
Pas de déclic, j'ai presque toujours fait de la musique. On faisait des chansons pop au collège, puis j'écrivais du rap à la fin du lycée et à la fac, je suis venu à la musique électronique car c'était la suite logique et que j'ai pu commencer tout seul, tout de suite, avec des écouteurs d'iPod et une souris.
Clubxtrem) Quel a été le déclic pour devenir dj ?
J'ai acheté des platines vinyls en première. J'avais pris un modèle tout pourri et je m'étais ruiné en disques plus ou moins cool dont certains vraiment dégueulasses. Globalement c'était de la house radio : Cassius, Fedde Le Grand, David Guetta évidement. Mais j'avais aussi des trucs top comme Ministers de la Funk. Mais je n'ai pas eu de déclic, je n'ai pas été curieux, j'aimais juste l'esthétique, le fait de faire danser les gens.
Après une période post bac un peu "sound system" un peu vénère où j'ai passé des disques sur mes nouvelles platines CD, je ne me sentais toujours pas dj. Je manquais de culture, de curiosité. Du temps est passé, j'ai sorti des morceaux sous le nom Fils Unique, il a fallu les défendre, je n'avais pas envie d'un live car je n'aime pas cela. Alors j'ai demandé aux organisateurs des platines.
Je n'avais pas fait cela depuis des siècles. Je me suis pris au truc, et je suis devenu naturellement curieux. Je me suis intéressé à la culture, à la technique, j'ai commencé à préparer des tools, des edits, à demander 3 platines, à mélanger les morceaux à 100%, à avoir des routines. Et j'adore cela maintenant. Cela commence même terriblement à influencer mes goûts et mon regard sur ce que je fais.
Il faudra s'attendre à ce que mes prochaines sorties soient plus club, plus brutes, plus axées sur le son. Je me mets même à avoir envie de sons analogiques !
Clubxtrem) Je t'ai découvert avec "Want it from you", un titre dansant qui flirte avec la musique des jeux vidéo. Es-tu mordu du jeu vidéo ou simplement nostalgique des sons 8 bits ?
Ni l'un ni l'autre. Je trouve que ces sons électroniques sont beaux et intéressants. Dans le passé, ces trucs représentaient le futur. Et le futur c'est bien.
Clubxtrem) En juin 2014 sortait la vidéo de ton titre "My girl(s)" : il s'agit d'un clip qui compile des séquences de films où n'apparaissent que des actrices emblématiques de la "pop culture" des années 1990 et 2000. Quelle est l'histoire de cette vidéo ?
J'avais envie d'aller chercher chez les gens un sentiment un peu particulier : un mélange d'amour maladroit et de souvenirs enfouis. Ce sentiment n'a pas de nom, pas que je sache.
Clubxtrem) Je parlais de "pop-culture" tout à l'heure. D'où te vient cette fascination pour Britney Spears ?
C'est l'ultime pop star. Sexy, jolie, maladroite, faussement sûre d'elle, hyper américaine, faussement heureuse. Sa voix, ses cheveux sur la langue... Chez moi cela rejoint ce que je disais dans la question d'avant. Je n'aime pas tout ce qu'elle a fait. Vraiment pas ! C'est plus elle, que ses disques, qui me fascine.
Clubxtrem) Ton album s'appelle "Building Bridges". 2 mots qui sont lourds de sens et totalement libres d'interprétation. Quel sens y donnes-tu ?
Je souhaite relier officiellement sur un disque des choses qui dans ma tête sont côte à côte. Je ne sais pas si j'y suis arrivé, pas intégralement en tout cas. Et puis mes goûts évoluent, je me lasse vite.
Clubxtrem) Jusqu'ici, ta musique était principalement instrumentale. Qui sont les deux voix qui apportent une touche R'N'B à ta musique ?
ZA et Cokee Dee. La première est une amie de longue date avec qui j'ai fait du rap il y a longtemps. Depuis l'époque, on voulait remettre le couvert, on l'a enfin fait.
Cokee Dee, cela a été une rencontre plus tardive, une envie instantanée de travailler ensemble. On a pris plus d'un an mais on l'a fait. Ce garçon est génial, et hyper cultivé rap, j'adore cela.
On continue de faire des trucs tous les trois. Un projet plus pop, plus rap. J'aime cela, on aime travailler ensemble. Des choses vont sortir un de ces jours.

Clubxtrem) Tu travailles depuis peu avec les producteurs bordelais Fruckie et Plugged, pensionnaires du label Boxon Records. Quel a été leur rôle pour "Building bridges" ? Comment en êtes-vous venus à collaborer ensemble ?
Ils m'ont contacté sur internet parce qu'ils sont comme cela, avenants et motivés. On a parlé de remix, de collab, on ne l'a pas encore vraiment fait mais sur mon disque, on a enregistré les voix ensemble, on a fait le mixage et le mastering chez eux. C'est mon studio, c'est mes copains. Ils sont très compétents (cf. Intelligent Design Prod).
Clubxtrem) Je vais revenir en détail sur quelques titres présents dans ton album :
"Eeeurooope" me rappelle "Insomnia" de Faithless tout en provoquant une impression de vertige. J'aurais tendance à qualifier cette piste comme "la piste bad trip de l'album". Qu'en penses-tu ?
Je suis plutôt d'accord pour la piste bad trip. C'est une piste pour club sale, humide et rempli de chauve-souris. C'est de la musique pour les vampires.
Clubxtrem) "lovin' in fall" : c'est simple, efficace avec cette ligne de basse imparable. Dans quelles circonstances as-tu composé ce titre ?
C'est le morceau le plus club de l'album, c'est le seul que je joue souvent. Je voulais un truc sexy et un peu mystérieux. J'avais un morceau un peu mou depuis un moment. Je l'ai accéléré, j'ai changé la rythmique, mais j'ai oublié de changer le titre !

Clubxtrem) "my girl(s)" est une bonne dose d'énergie positive dopée par cette ambiance tropicale. Est-ce les restes des sons à la "Donkey Country 2" qui ont bercé ton enfance ?
Oui, cette bande son c'est vraiment une influence au sens premier du terme. J'aime la manière dont sont disposées les couches, les différences qu'il y a entre elles. Je pense qu'on peut vraiment ressentir cela en écoutant mon disque. Cette bande son est un disque que j'écoute très souvent encore aujourd'hui.
Clubxtrem) "Hometown", est une pépite R'N'B synthétique. J'y ressens un clin d'oeil aux productions de Timbaland. Ai-je vu juste ?
J'aime beaucoup Timbaland. Quand je le vois dans les crédits d'un disque, j'ai du mal à me retenir. C'est souvent une surprise et elle est systématiquement bonne. Du coup, j'aime bien jouer les producteurs, "faire pareil" en quelque sorte. Après je ne trouve pas que le morceau sonne Timbaland du tout. C'était plus dans le principe. Ce truc de Michel Berger d'ailleurs aussi !
Clubxtrem) "Building Bridges" est un titre hybride qui évolue du R'N'B vers de l'electro-house avec une simplicité déconcertante. Ce titre est-il représentatif de tes dj sets ?
J'espère ! Et je pense... Et pas parce que tu dis "R'n'B" et "House" car cela serait trahir le principe même de ce que je pense. Plutôt parce que quand tu parles de facilité déconcertante, je parlerais plus d'honnêteté, de vérité. Ce sont des choses qui sont honnêtement pareilles pour moi, et qui de ce fait, sont miscibles.
J'ai passé énormément de temps à écouter des gens "qui mélangent" jusqu'à me rendre compte que ce n'était pas un mélange, mais plus une évidence, une évolution, une curiosité d'aller au fond des choses et une impatience, un refus de s'ennuyer.
Mes sets ne sont pas des mélanges incessants, mais les gens dont j'aime la musique ont intégré cela, si ce n'est pas le cas, je le fais sur place.

Clubxtrem) Quels sont tes futurs projets ?
Je n'en sais rien, je suis un peu perdu. L'album est sorti, il fait sa vie dans son coin, je dois continuer la mienne. Pour répondre le plus honnêtement possible à ta question, je sens que petit à petit je fais le grand écart au-dessus de ce que j'ai fait jusqu'à présent.
D'un côté mon activité de dj m'amène avec envie et curiosité vers la bass, la musique de club, et vers cette idée de danser sur de la musique qui ne soit pas de la techno, ou plutôt une conception personnelle de la techno.
De l'autre côté, j'ai envie de studio, de voix féminines, de rappeurs pas humbles et de mélodies entêtantes.
Je me rends compte que malgré ce que je peux lire ou entendre à mon sujet, rien ne peut vraiment m'empêcher de faire tout cela. Pas même les étiquettes collées - à tort ou à raison - depuis mon premier morceau. Alors je me cherche toujours, et c'est peut-être cela qui est intéressant.
Sites : Facebook, interview Radio, Soundcloud.
Propos recueillis par Stéphane Chambord / Radio Résonance